"En un tour de main", Jo WITEK, Seuil, 2011

Publié le par guedou.alivreouvert.over-blog.com

en un tour de main   Pour vous présenter ce livre, j'ai trouvé ces lignes sur le site de la médiathèque du Mans :

 

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Après des études artistiques à Paris, Jo WITEK a d’abord été comédienne, conteuse et animatrice d’ateliers théâtre pour enfants. Elle a été ensuite journaliste puis travaillé dans le milieu du cinéma en tant que lectrice, rédactrice et scénariste. Elle vit aujourd’hui dans l’Hérault et concentre son écriture sur les ouvrages de fictions et documentaires pour les adolescents. Elle est l'auteur de "En un tour de main" (Seuil-Karactères), sélectionné pour le Prix des Lecteurs 2011. « Matt Borovski est un jeune magicien à la carrière prometteuse. Interviewé par une journaliste, il fait le récit de son parcours peu ordinaire : une enfance sans mère dans un quartier déshérité puis dans un squat ; un père un peu alcoolique, un peu voyou, pas doué pour la tendresse mais vrai poète ; un frère aîné roi de la débrouille. L’année de ses 8 ans, le petit Matt découvre la magie. C’est une révélation. Il commence à s’entraîner avec un mauvais jeu de cartes. Plus tard, au squat, c’est un vieil artiste de music-hall qui va lui apprendre toutes les ficelles du métier. Mais les années de bohême virent au drame quand le squat est démantelé. Le père se remet à boire. Pour permettre à leur fragile cellule familiale de survivre, les deux frères se lancent dans le vol de portefeuilles, mettant à profit les talents d’escamoteur de Matt. Une plongée dans la délinquance qui va peser lourd sur leur avenir. Un roman original plein d’espoir et de chaleur humaine, avec une galerie de personnages très attachants.… » (Inter CDI, mai/juin 2010 ; n° 225)

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Ce roman est sensible et m’a touchée plus d’une fois, sans non plus vous arracher des larmes et jouer du violon dans de gênantes « séquences "émotion" ». Et pourtant, le parcours de ce magicien prodige est compliqué, vous verrez…

Je regrette de n'être pas allée voir cette romancière le 29 mars dernier lors de sa rencontre-dédicace dans le cadre du Prix des Lecteurs 2011. Mais je n'avais pas encore eu le plaisir de lire son roman. Je l'ai lu alors que je venais de m'offrir mon premier jeu de cartes de magicienne : ce fameux Bicycle Rider back, dont on parle dans le livre. Sauf que les dos de mes cartes sont rouges et pas bleus comme pour le héros de l'histoire. Ah ! le hasard…

Le magicien qui m'a fourni ce fabuleux paquet de cartes venues de Cincinatti est un monsieur de plus de 80 ans qui amuse bénévolement des enfants dans les salles d'attente de l'hôpital du Mans, environ une fois par semaine. Samedi dernier, il nous a proposé d'apprendre de nouveaux tours pour distraire les enfants à l'hôpital, dont la fabrication d'une drôle de souris-mouchoir. En illustration, voici le lien vers la vidéo du magicien anglais, Quentin Reynolds, avec sa souris de laboratoire qui peut sécher toutes les larmes :

 

http://www.youtube.com/watch?v=yYi_QUkBNew

 

A vous de recopier cette adresse pour accéder à la vidéo : je ne réussis pas à l'incruster directement sur ce blog... Dommage !

J'ai encore beaucoup de travail à faire pour améliorer la mobilité de ma bestiole en tissu et donner cette illusion de vie enthousiasmante pour les spectateurs. Le tout serait de se mettre à y croire soi-même ?

A la fin du livre, page 145, le Renard nous fait une brève présentation de Mahmoud Darwich, un poète palestinien qui est mort il n'y a pas très longtemps (au début du mois d’août 2008) et qui était venu donner une interview sur France Inter il y a quelques années. Je l'ai entendue et j'ai recopié ensuite sur papier ce que son interprète a traduit au fur et à mesure, parce que je trouvais ses mots émouvants, à la fois pesants et légers. Je vous ai retrouvé ce texte :

 

L’indescriptible fleur d’amandier

 

- La poésie rend-elle tout possible ?

- C’est ce que le poète souhaite. Mais je ne sais pas si j’ai réussi, c’est une tentative de décrire les fleurs d’amandier. Et finalement, toutes les descriptions que je fais ne sont que des tentatives. En fait, mon projet est de transformer, de changer la langue, de sorte que la langue arrive à cette transparence, à cette légèreté, à cette finesse de la fleur d’amandier. Ce poème est une tentative de polir la langue et de la libérer de toute pression externe. Finalement c’est quelque chose d’assez impossible. Et c’est pour cela que si quelqu’un parvenait un jour à une telle description, ces paroles deviendraient l’hymne national. Et puis il ne faut pas oublier que cette tentative s’inscrit dans une période où prédominent la dureté, la violence, l’occupation et ce qui contredit cette réalité amère et dure, c’est précisément cette quête poétique-là des choses simples. Et c’est essayer d’arriver à une langue transparente et qui précisément fasse opposition à la brutalité du réel.

- Cette transparence-là que vous évoquez -vous habitez à même pas un kilomètre du mur qui sépare Ramallah d’Israël - et vous parlez de transparence, comme si ce champ du possible – celui du poète - venait tout à coup se cogner contre la réalité politique. Est-ce que tout de même un jour cette transparence que vous arrivez à faire exister peut changer des choses ?¤

- C’est parce que je vois le mur et que je vois les postes de l’armée, les postes de contrôle, et que je vois les chars aller et venir. Je n’ai pas de langue pour affronter, moi, ces choses que je vois. Je n’ai pas une langue de la force du char ou du mur ou des postes de l’armée. Et si je criais, si j’utilisais un ton aussi fort, aussi violent que celui du char, ma voix serait égarée, serait perdue en fait. C’est pour ça que je cherche l’extrême opposé de cette réalité-là. Presque comme une résistance qualitativement différente et qui a quelque chose de spirituel parce que, quoi que fasse l’occupant, je peux affirmer qu’il n’a pas détruit mon âme ni notre capacité à être heureux face aux fleurs d’amandiers au printemps. Parce que si je disais l’opposé à cela, à ce moment l’occupant m’imposera ma propre langue. Cette langue immédiate qui crie, qui est violente et en fait je suis en train de me libérer de ce que l’occupation est supposée me faire dire (vivre ?).

- Ça veut dire au fond que cette invocation des toutes petites choses de la vie quotidienne : la tasse de café que vous allez boire à l’extérieur en ne sachant même pas si on vous voit, si vous existez réellement, ces petites choses-là vont priver la violence du char de tout sens, au fond.

- Elles le ridiculisent ce char aussi. En fait, elles le mettent hors d’état de fonctionner. Parce que c’est ce que je dis à l’officier qui dirige le char, à ceux qui sont dans le char, je leur dis une chose très simple : Vous n’êtes pas arrivés à rompre mon lien à mes choses intimes et vous n’êtes pas parvenus à me détourner de mon humanité. Et je fais partie de ceux qui pensent que la poésie est faite des choses les plus simples en réalité. Et donc on est un peu loin des moments épiques, des moments de grande bravoure, on est dans le cours simple des choses.

- Mais se réconcilier avec ses frères, avec les Palestiniens, avec les plus radicaux d’entre eux, est-ce que ce n’est pas aussi difficile que d’envoyer le pétale de fleur d’amandier contre le char ?

- Restons juste quelques instants dans le domaine de la poésie qui me concerne. Ce n’est pas pour éviter la question. C’est parce que je pense que le domaine de la poésie est suffisamment spacieux pour répondre à cette question qui semble plus politique. Vous avez peut-être une idée de mon rang moral dans le peuple palestinien. Mais vous ne savez peut-être pas le nombre d’accusations de trahison dont je suis l’objet de la part de certains Palestiniens également. Donc je n’ai pas seulement une bataille avec l’occupant, j’ai également une bataille avec la façon dont certains Palestiniens conçoivent le mode de riposte culturelle à l’occupation. Certains peuvent tout à fait penser que parler d’amour, parler des fleurs d’amande, c’est une façon de lâcher la cause nationale. D’autres veulent fixer les limites de l’évolution de la métaphore, des images poétiques. Donc j’ai une bataille interne, intérieure aussi et externe. Mais ce qui me rend fort, ce qui me renforce dans tout cela, c’est qu’à chaque fois que j’ai été plus loin dans mon œuvre, mes lecteurs ont augmenté et mes ennemis également. Il n’y a pas de consensus en face de moi, et j’en suis très heureux parce que l’unanimisme est l’un des traits des troupeaux.

- Quand vous êtes à Ramallah, en réalité, vous êtes enfermé, vous êtes dans le confinement, vous êtes –vous l’avez dit à plusieurs reprises- dans une forme d’exil et néanmoins vous êtes en train de nous parler de votre liberté, de votre libération. Mais combien de temps encore faut-il cet enfermement pour que la poésie ait raison du char ?

- Si l’occupation avait été courte, la poésie épique, la poésie de mobilisation, aurait été le recours réel, concret, à cette situation d’occupation. Et nous en avons écrit. La littérature palestinienne est pleine de poèmes de ce type. Et moi-même j’ai écrit des poèmes de mobilisation directe. Etre dans une situation répétitive de ce type de poèmes fait que le poète devient un peu à l’image du malheur et de la détresse. Et moi je n’accepte pas ces conditions de combat. Moi, je veux l’emporter dans la bataille de la créativité. Le Palestinien est encerclé, il est sous occupation mais il peut se réconcilier avec la vie et la modernité poétique et culturelle. Et sa voix peut être entendue au plus haut niveau. Est-ce que ça n’est pas cela en fait le combat littéraire ? Je dis toujours : Il est difficile à un être humain d’être Palestinien.

C’était la conclusion de Mahmoud DARWICH…

<Entretien entendu sur France Inter, dans l’émission du 7/9, un matin de la fin 2007. Retranscription de la traduction donnée en direct.>

 

En ce moment, je lis « Le dérèglement du monde », d’Amin Maalouf (2009), un essai qui m’aide à revoir certains événements, certains points de vue, avec une écriture fluide et claire comme une eau vive. Dommage que je n’aie pas été retenue pour ce fameux jury du Prix du livre France Inter, où j’aurais pu le rencontrer parce qu’il le préside cette année… Cela me permet d’avoir le temps d’être curieuse, finalement. Dans la liste du Prix des Lecteurs 2011 au Mans, il y a un petit roman pour Ados (et adultes aussi, bien sûr !) sur le Liban : « Le grand Joseph » de Koshka, vu par une petite fille prise dans la tourmente des grands. Une belle histoire, mes aïeux !

 

¤¤¤Nathalie¤¤¤

Publié dans Nos coups de coeur

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